Deux parents légaux de même sexe via l’adoption de l’enfant du ou de la partenaire :
c’est possible dès le 1er janvier 2018

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Depuis le 1er janvier 2018, l’adoption de l’enfant du/de la partenaire est également ouverte aux couples de même sexe partenariés, mariés ou formant de fait une communauté de vie. Concrètement, la modification de la loi a pour effet de permettre à une personne d’adopter l’enfant de son ou sa partenaire. L’adoption de l’enfant du/de la partenaire s’avère notamment nécessaire quand le parent social souhaite adopter l’enfant du parent qui a accouché en cas de recours à un don de sperme privé ou à une banque de sperme située à l’étranger, ou l’enfant du parent biologique en cas de GPA.

Recommandations relatives à l’audition de l’enfant dans la procédure d’adoption par les couples de même sexe (2621 téléchargements )

Andrea Büchler, Prof. Dr. iur., Chaire de droit privé et de droit comparé, Université de Zurich
Michelle Cottier*, Prof. Dr. iur., Département de droit civil, Université de Genève
Philip D. Jaffé, Prof. Dr. phil., Centre interfacultaire en droits de l’enfant, Université de Genève
Heidi Simoni, Dr. phil., Marie Meierhofer Institut für das Kind, Zurich
4 juin 2018

Modification du Code civil : l’adoption de l’enfant du conjoint ou du partenaire
Art. 264c CC
1 Une personne peut adopter l’enfant :

  1. de son conjoint ;
  2. de son partenaire enregistré, ou
  3. de la personne avec laquelle elle mène de fait une vie de couple.

2 Le couple doit faire ménage commun depuis au moins trois ans.

3 Les personnes formant une communauté de vie de fait ne doivent être ni mariées ni liées par un partenariat enregistré.

Pour l’adoption de l’enfant du ou de la partenaire, il est important non seulement que les parents fassent ménage commun depuis au moins trois ans mais aussi que l’enfant ait grandi auprès d’eux au minimum pendant un an. Il est donc malheureusement impossible pour le deuxième parent d’adopter l’enfant dès sa naissance :

Art. 264
1 Un enfant mineur peut être adopté si le ou les adoptants lui ont fourni des soins et ont pourvu à son éducation pendant au moins un an […]

Certaines familles peuvent, en fonction de leur configuration, être également concernées par l’article 264d :
Art. 264d
1 La différence d’âge entre l’enfant et le ou les adoptants ne peut pas être inférieure à seize ans ni supérieure à 45 ans.

2Des exceptions sont possibles si le bien de l’enfant le commande.  Le ou les adoptants doivent motiver la demande de dérogation.

Dans le cas de l’adoption de l’enfant du partenaire, quand l’enfant a par exemple toujours vécu avec l’adoptant-e, ou quand l’écart supérieur à 45 ans ne vaut que pour le/la cadet-te, constituent des éléments  qui pourraient justifier une dérogation.

Cette adoption instaure un lien de filiation à part entière entre l’enfant et le deuxième parent actuel : suite à celle-ci les droits et devoirs des parents dans une famille homoparentale sont en tous points identiques à ceux d’une famille hétéroparentale. Les deux parents exercent une autorité parentale conjointe et ont la même obligation d’entretien de l’enfant. En cas de séparation, chacun des parents conserve l’autorité parentale conjointe et le devoir d’entretien. Les modalités de garde de l’enfant sont organisées par les deux parents et en cas de désaccord entre eux, c’est l’autorité judiciaire saisie qui décide de la garde et du droit aux relations personnelles (droit de visite). En cas de décès, le droit à une rente d’orphelin-e et les dispositions du droit successoral s’appliquent.

Procédure d’adoption de l’enfant du ou de la partenaire : une application cantonale

L’adoption de l’enfant du ou de la partenaire est prononcée par l’autorité cantonale compétente du domicile de l’adoptant-e (art. 268 al. 1 CC). C’est donc le canton de domicile qui définit le déroulement de la procédure. Jusqu’ici, la plupart des autorités cantonales chargées de ces procédures n’ont publié aucune information sur la nouvelle règlementation relative à l’adoption de l’enfant du ou de la partenaire. Il vous faut donc les contacter pour vous informer sur le déroulement de la procédure qui est appliqué dans votre canton.

L’Association faîtière Familles arc-en-ciel prendra elle aussi contact avec toutes les autorités cantonales et proposera aux responsables une formation spécifique sur les contextes de vie et défis propres aux familles arc-en-ciel. Ces informations seront mises à disposition des membres de l’Association faîtière Familles arc-en-ciel sur le Rainbow Family Portal. De plus, des ateliers seront organisés en 2018 dans différentes villes pour informer sur les procédures et relayer des retours d’expérience. Pour la Suisse alémanique, une première séance d’information aura lieu à Zürich le 25
janvier 2018 ; pour la Suisse romande, celle-ci aura lieu à Lausanne, en soirée, le 7 février 2018.

Instances en charge de la procédure canton par canton - Suisse Latine ( Doudou Madeleine Denisart | 14 février 2018 ) (817 téléchargements )

Pas une simple démarche administrative mais une véritable enquête sociale

Selon l’art. 268a CC – qui porte sur toutes les formes d’adoption extrafamiliale (adoption internationale et nationale) comme intrafamiliale (adoption de l’enfant du ou de la partenaire) –, les adoptions ne peuvent être prononcées qu’après réalisation d’une enquête examinant toutes les circonstances essentielles et recourant, au besoin, à des expert-e-s. Cette enquête devra porter notamment sur la personnalité et la santé des parents adoptants et de l’enfant, sur leur convenance mutuelle, l’aptitude des parents adoptants à éduquer l’enfant, leur situation économique, leurs mobiles et leurs conditions de famille, ainsi que sur l’évolution du lien nourricier.

Il reste encore à voir si la procédure est la même selon qu’il s’agit d’une adoption extrafamiliale ou intrafamiliale (adoption de l’enfant du ou de la partenaire). Difficile aussi pour le moment de savoir dans quelle mesure les spécificités des familles arc-en-ciel seront ici prises en compte.

Enfin, le coût n’est pas négligeable : d’après les premières informations que nous avons pu obtenir,  la procédure d’adoption de l’enfant du ou de la partenaire revient à environ CHF 1’000,00 par procédure (pouvant concerner plusieurs enfants d’une même fratrie); ce montant devrait pouvoir être déduit des impôts.

Nous vous recommandons de bien vous préparer à cette procédure. L’Association faîtière Familles arc-en-ciel sera heureuse de recueillir vos témoignages : info@famillesarcenciel.ch; ils sont essentiels pour la poursuite de notre travail auprès des familles comme des autorités.

Si votre situation familiale présente certaines particularités, n’hésitez pas à nous contacter avant de démarrer cette procédure.

Déroulement de la procédure : quelques exemples cantonaux

D’après les premières informations dont nous disposons, il est clair que les procédures vont varier – parfois considérablement – d’un canton à l’autre, non seulement au niveau des instances en charge de celles-ci, mais aussi des documents requis pour déposer la demande comme des aspects examinés lors de l’enquête sociale. Certains cantons vont mettre des informations relatives à l’adoption de l’enfant du partenaire sur le site web des services concernés, d’autres pas du tout.

La procédure dans le canton de Vaud

Pour une description détaillée du déroulement de la procédure dans le canton de Vaud, vous référez au document suivant: Canton de Vaud - Informations sur le déroulement de la procédure d’adoption de l’enfant du/de la partenaire/concubin-e (3149 téléchargements )

La procédure selon l’exemple du canton de Genève

Vous pouvez prendre connaissance des documents à fournir pour déposer votre demande d’adoption sur le site du Canton de Genève: http://ge.ch/justice/adoption#adoption_partenaire 
Le dossier de requête doit être envoyé en recommandé à la Cour de Justice – Section adoption / CP 3108 / 1211 Genève 3

Une fois le dossier jugé complet et accepté par la Cour de justice, celle-ci sollicite l’autorité centrale cantonale genevoise en matière d’adoption (ACC Ge) – l’ACC Ge est rattachée au service d’autorisation et de surveillance des lieux de placement (SASLP) qui lui dépend de la direction générale de l’office de l’enfance et de la jeunesse qui se trouve au sein du département de l’instruction publique (DIP) – pour mener une enquête psycho-sociale (qui implique des entretiens avec les parents et les enfants au domicile de la famille comme dans les bureaux de ACC Ge, voire la production de documents supplémentaires) et, sur cette base, un rapport d’enquête est remis à la Cour de Justice qui statue sur la demande d’adoption et en informe la famille, en indiquant les voies et les délais de recours en cas de décision négative.

La procédure selon l’exemple du canton de Berne

Dans le canton de Berne, la demande doit être adressées à l’Office de mineurs (Direction de la justice, des affaires communales et des affaires ecclésiastiques du Canton de Berne). Sur son site, le service donne, en allemand comme en français, la liste des documents demandés jusqu’ici – sans mise à jour pour l’instant par rapport à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions au 1er janvier 2018 –, il est également possible de télécharger le formulaire de dépôt de la demande. Il n’y a par contre pas d’information sur le déroulement de la procédure dans son ensemble, ni sur celui de l’enquête sociale.

http://www.jgk.be.ch/jgk/fr/index/kindes_erwachsenenschutz/kinder_jugendhilfe/adoption/stiefkindadoption.html

La procédure selon l’exemple du canton Zurich

C’est le personnel de l’autorité centrale cantonale Adoption qui est chargé par les autorités de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) d’assumer les procédures en vue d’adoption de l’enfant du ou de la partenaire. Pour les personnes qui vivent dans la ville de Zurich, cette procédure relève du personnel du service de placement d’enfants  (Fachstelle Pflegekinder).

Le document ci-après décrit tout le processus d’une demande avec les différentes étapes entre la prise d’information initiale jusqu’à la décision.

L’autorité centrale cantonale Adoption a aussi mis en ligne la liste de tous les documents qui doivent accompagnés la demande d’adoption : une douzaine d’annexes sont demandées pour le dossier des parents (dont un questionnaire médical et une biographie très détaillée) et neuf annexes pour le dossier de l’enfant.

Antrag auf Stiefkindsadoptionsabklärung (PDF, 18 pages, 159 ko)

Décision d’adoption
L’autorité compétente pour l’adoption est l’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA) dont dépendent les parents adoptifs.

https://ajb.zh.ch/internet/bildungsdirektion/ajb/de/kinder_jugendhilfe/adoption/stiefkindsadoption.html

Un témoignage

L’adoption de l’enfant de la partenaire vécue par un couple de ressortissantes allemandes vivant en Suisse
(Sabine & Ines, Zurich, mai 2017)

En août 2012, nous nous sommes installées, ma partenaire et moi-même, en Suisse à Zurich.  Nous avons pour la première fois réalisé notre désir d’enfant en novembre 2014 lorsqu’est née notre fille Hannah. Déjà avant sa naissance, nous avions rédigé un testament et une procuration  où ma partenaire, la mère biologique de Hannah, exprimait le souhait de me voir confier le droit de garde de notre fille en cas de son décès. Cette procuration n’ayant bien sûr aucune validité juridique, il est toutefois impossible de savoir comment se prononcerait un tribunal des affaires familiales si le cas se présentait.

Déroulement de l’adoption de l’enfant de la partenaire :
Ayant déjà à cette époque en tant que ressortissantes allemandes la possibilité d’adopter l’enfant de l’autre, nous avons entamé la procédure complexe directement après la naissance de Hannah. Voici comment cela s’est passé en Suisse et ce qui attend donc aussi les familles arc-en-ciel suisses. Nous avons pris contact avec le service compétent de la ville de Zurich, Fachstelle Pflegekinder, dès l’été 2015. Ce service nous a demandé dans un premier temps de lui remettre un dossier détaillé. Nous étions tenues de présenter toute sorte de documents (dont certains certifiés authentiques devant notaire) tels que actes de naissance, passeports, certificats médicaux de l’adoptante et de l’enfant, extraits du casier judiciaire et du registre des poursuites mais il nous a fallu aussi exposer notre situation financière, expliquer nos motivations pour adopter et rédiger une biographie de l’adoptante et de l’enfant. L’établissement de ces documents nous a pris à lui seul plusieurs semaines. Ensuite, le service a effectué deux visites à domicile (car nous avions entretemps déménagé) et nous a interrogées sur notre biographie, notre situation de vie actuelle, notre relation de couple, notre relation avec notre fille, notre mode d’éducation et les valeurs que nous défendons. Toutes ces informations ont été consignées dans un rapport d’expertise de 9 pages qui se termine par l’évaluation de mon aptitude à adopter. Ce rapport a alors été remis au tribunal allemand des affaires familiales. Après une audition devant le tribunal des affaires familiales en Allemagne, j’ai pu enfin adopter officiellement Hannah en octobre 2016. La reconnaissance de cette adoption de l’enfant de ma partenaire selon le droit suisse a eu lieu en mars 2017 par la mairie, au service de l’état civil.

Conclusion :
Nous sommes heureuses d’avoir eu la possibilité de recourir à l’adoption de l’enfant de l’autre et de voir cette procédure enfin aboutir au bout de plus de deux ans d’incertitude juridique. Notre expérience a été la plupart du temps positive car nous avons eu affaire à des personnes tolérantes qui se sont occupées de notre dossier en se montrant très ouvertes et coopératives.  Et vu la rareté de notre demande, beaucoup d’entre elles avaient un surcroît de travail car elles devaient identifier les autorités compétentes et régler des questions spécifiques telles que « Comment inscrire deux mères sur un acte de naissance si le modèle officiel ne prévoit que le père et la mère ? ». Mais si la joie prédomine, cette procédure nous laisse toutefois un goût amer. Les formalités administratives et le coût (un forfait de CHF 1’300 pour le seul rapport d’expertise du service Fachstelle Pflegekinder) sont énormes et se sentir ainsi mis sur la sellette n’est pas toujours une situation très agréable. D’autant plus que dans une situation semblable, les couples hétérosexuels peuvent, eux, déclarer une paternité (même non biologique) dès la grossesse.