Strasbourg demande la reconnaissance de parentalité pour deux pères

Dans l’intérêt supérieur de l’enfant, la parentalité de deux pères, confirmée par un tribunal à l’étranger, doit aussi être reconnue en Suisse. Ce pourrait en tout cas être la conséquence de l’arrêt rendu ce mardi 22 novembre 2022 par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). La Cour strasbourgeoise a en effet constaté que par son refus de reconnaître la parentalité de deux pères, la Suisse avait violé le droit de l’enfant à la vie familiale. Deux hommes vivant ensemble en Suisse en partenariat enregistré étaient devenus les parents d’un enfant né grâce à la gestation pour autrui (GPA), en vertu des lois applicables à l’État de Californie. Le Tribunal fédéral suisse a cependant rejeté ce double lien de filiation.

Pour la première fois, la Cour européenne des droits de l’homme a ainsi rendu un arrêt portant sur l’homoparentalité liée à la GPA. « Nous nous réjouissons de la décision rendue à Strasbourg », déclare Maria von Känel, directrice générale de l’Association faîtière Familles arc-en-ciel. «La Cour a placé le bien de l’enfant au cœur de sa démarche». Suite au refus de reconnaître le lien de filiation de l’enfant avec le parent non génétique, la parentalité, pourtant stable dans les faits, ne trouvait pas écho sur le plan juridique, l’enfant n’ayant par exemple à l’égard de ce parent aucun droit à héritage, à aliments ou à assistance. La Cour avait donc de bonnes raisons pour statuer comme elle l’a fait.

Délai trop long pour l’établissement juridique de la famille

L’arrêt dénonce notamment la longueur du délai pour l’établissement juridique de la famille. La procédure d’adoption de l’enfant par le père non génétique n’a pu être entamé qu’en 2018, suite à l’entrée en vigueur du nouveau droit de l’adoption qui permet aux couples de même sexe d’adopter l’enfant du/de la partenaire. Comme 8 années se sont écoulées avant que le deuxième père ne soit reconnu comme parent légal, la Suisse a dépassé la marge d’appréciation dont elle jouissait et violé l’art. 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH).

L’Association faîtière Familles arc-en-ciel demande aujourd’hui aux tribunaux suisses et aux politiques de faire en sorte que la parentalité de deux hommes ayant réalisé leur projet parental grâce à une GPA à l’étranger soit reconnue rapidement et sans tracas administratifs. C’est dans l’intérêt supérieur de l’enfant qui, comme le souligne la Cour strasbourgeoise, à un droit à la vie familiale.

Les enfants se développent normalement dans les familles arc-en-ciel

Près de 30’000 enfants grandissent en Suisse au sein de familles arc-en-ciel. La recherche menée ces 40 dernières années a montré que les enfants se développent tout aussi normalement dans une famille arc-en-ciel que dans une famille hétéroparentale. La condition primordiale est la disponibilité d’au moins une personne référente constante apportant à l’enfant chaleur humaine et réconfort, créant un entourage social viable et le soutenant dans son développement individuel.

Ceci concerne l’arrêt de la CEDH rendu le 22 novembre 2022 : requêtes 58817/15 et 58252/15

Des photos de Gaëtan Bally, photographe de Keystone, sur le thème des familles arc-en-ciel sont disponibles sur https://visual.keystone-sda.ch.